Retrouvailles, suite et fin.
Plantée là, dans l’asphalte de cette rue,
Je scrute ton visage,
Que les années ont pris dans leur sillage :
Tes cheveux commencent à fleurir,
D’une blancheur sage,
Dans tes yeux,
Un certain éclat s’est éteint,
Cette lueur de malice, de fougue et de rage.
Mais, tes traits se sont figés.
Je réalise en quelques instants,
Pendant que je te dévisage,
Ce que je n’ai pas réalisé des années durant.
Je réalise que le temps,
En faisant distraction,
M’a filé entre les doigts, en se sauvant.
Je réalise que la séparation,
A grandit, murit, et prit de l’âge,
Que tes regards ne sont plus ce qu’ils étaient,
Que tes yeux ne sont plus ceux du passé,
Que moi-même,
Je ne suis plus qu’une fade copie blême,
Que les lignes du temps ont sournoisement rampé,
Sur mon cou et sur mon visage,
Comment ai-je pu imaginer que le temps non vécu,
Jamais il ne me passerait dessus ?
Il m’a tout bonnement transpercé,
A travers moi, il est passé,
Comme un vulgaire trou dans l’espace.
J’examine ton visage,
Qu’une muraille d’heures de jours et d’années,
Ont, sans pitié, éclipsé :
Tu as beaucoup changé,
Toi qui, dans le temps, me fais voyager,
Tu prends des décisions graves, étranger,
Tu peux annoncer au monde un amour passager,
Tu dis des mots tendres, sans excès,
Tu as un carnet de chèque et un compte bancaire bien alimenté,
Tu fumes, et tu bois du whisky non mélangé,
Tu es un autre homme,
Autre que celui d’il y’a des années,
Et je ne sais, étranger,
Lequel j’aime, ou si je n’en ai jamais aimé.
Tu m’aimes encore?
Peux-tu rendre à mon cœur ses battements enflammés ?
Peux-tu épousseter nos vieilles histoires pliées et rangées?
Peux-tu me fabriquer une autre vie, sans passé?
Peux-tu essuyer mon corps,
Des traces du temps, de ses mélancolies, et ses ratés ?
Peux-tu rendre à la vie ses couleurs, et ses sapidités ?
Tu m’aimes ?
Et on n’est pas faits pour se retrouver, étranger…
Et on ne serait pas destinés,
A être ensemble, ni à partager,
Ni maintenant, ni jamais.